Le voyage au pays du levain 5-6
5 Rationalisation & standardisation :
En Allemagne, les recherches au cours des années 1950 à 1980 ont réussi à insuffler une rationalisation du procédé du levain. Par lutilisation de « starters » ou de levains séchés, de ces machines « fermenteurs à levain» et dassistance technique, le levain va (re)prendre sa place sur létiquetage réglementaire. Ainsi on va gommer cette cohorte de E270, E330, E 260, E334, etc qui étaient présents sur lemballage, ce quimpliquait les ajouts dacides 26.
Lon inscrira à la place ce plus noble terme au niveau professionnel et alimentaire « Natursauerteig » -levain naturel-. Le « Handbuch Sauerteig », le « know-how » actuel déjà cité, contient 571 références scientifiques quasi internationales sur le levain. Mais sa transposition en français ou en dautres langues nexige pas quune simple traduction des textes.
La maîtrise de lacidification sindique implicitement pour le seigle afin de bénéficier au maximum du pouvoir de rétention deau des pentosanes. Lutilisation de farines plus complètes, voir de grains concassés en éclats ne cernent pas les mêmes enjeux technologiques. Ces évolutions récentes autour du levain de panification reprisent depuis peu en France risquent de standardiser, ce procédé de panification quest le levain, « comme si dans leur sabot, tous les enfants goûtaient Noël du même cadeau » 27 .
Que dire des avancées issues de la modification génétique (OGM) ? Certaines « levures acidifiantes » sont déjà brevetées, elles permettront par un seul type de microorganismes de produire ce que la bactérie lactique produit (lacide lactique) et ce que la levure produit ( le gaz carbonique et lalcool).
Le gène codant lenzyme responsable de la production de lacide lors de la glycolyse (dégradation du glucose) a été introduit dans la levure et la possibilité de moduler les différentes productions (acide & gaz carbonique) a déjà été évoquée 28 . On est prêt commercialement.
Ce nest pas quil faille exister en sopposant. Que des fermentations lactiques précèdent un ensemencement de levure à la pétrissée nest pas condamnable.
Mais il faut pouvoir distinguer ce quest un levain naturel des autres pré-pâtes 29
6 La biodiversité de la microflore menacée :
Afin dêtre mieux reproduit, les levains ont été analysés par les grands de lagroalimentaire 30 . Comme la collecte des douze levains de Michel Infantes, disséminés par toute la France. Cinq dentre eux se revendiquait de la production « biologique » et précisait quils najoutaient pas de levure. Dans trois de ces cinq cas, ils présentaient des levures très spécifiques 31.
Des levures que lon nomment parfois aux Etats-Unis avec le qualificatif de « sauvages » 32 . Cest un indice de biodiversité menacé par la « starterisation » qui veut acidifier des pré-pâtes par des lactobacilles « souhaitables » 33 et introduit au pétrissage de la levure « pressée » étudiée depuis longtemps pour produire le maximum de gaz carbonique (les bulles de la mie) en un minimum de temps 34 .
La levure « sauvage » ou du levain ne sait pas facilement conserver sa viabilité et son efficacité dans les produits de commercialisation 35. En 1993, un décret français pour lappellation « levain » vise de forte acidité, alors quune bonne conduite professionnelle de la panification au levain cherche à éviter cette acidité 36. Cette recherche déquilibre entre les saveurs acides produit par les bactéries et les saveurs plus volatiles (parce qualcooliques) produit par les levures, cest la recherche dune symbiose harmonieuse que la vie du levain installe naturellement qui ne saurait se « starterisé ».
Pour le boulanger « bio », le levain naturel, cest lécologie dans la panification. Lionel Poilâne qui ne se revendique pas de la « bio » mais qui a beaucoup inspiré le mouvement, notamment par son livre « Le guide de lamateur du pain » 37, écrivait « la conduite de la fermentation au levain exige une grande dose de connaissances des aléas que peut subir la vie biologique et ressemble singulièrement au rôle de la mère pour obtenir un produit proche de la perfection, dans le respect dun ordre chronologique harmonieux ». « Cest un acte qui donne la vie » dit-il encore.
26 En Allemagne, il faut savoir que les acides qui peuvent être ajouter à la pâte sont beaucoup plus nombreux en type et sont souvent autorisés en dose illimitée. Cest la panification du seigle qui indique ce besoin dacidifier. Avec des adjuvants « TeigSauerungsMittel -T.S.M. »- = Moyen dacidifier la pâte + la levure, on arrive à certains résultats. Cétait aussi la suite des aventures alimentaires de temps de guerre avec les célèbres « ersatz »= produit de remplacement. Voir lordonnance allemande du 22.12.1981 modifiée le 19.06.1989.

27 Daniel TESTARD Commentaires sur létude de la flore lactique de levains naturels de panification publié dans la revue Les miettes de la bio n° 6 & 7 de mai 1994, p. 33.
28 Voir larticle Le point sur la modification génétique extrait de Les starters de levain & levains séchés ; nécessité ?, nouveauté !, utilité ?, facilité !, document technique de Bio-panem 1996 qui cite H.HESLOT & B.VLADESCU, Les levures dans les industries alimentaires, éd. Lavoisier 1992, p.36 & 37.
29 Philippe ROUSSEL a déjà ébauché un travail dans ce sens. Dans la revue Industries des céréales daoût 1995, p.30 &31, lors dun article intitulé, Utilisation de lexpression « levain naturel ». Un document de 1990 en 10 pages de lasbl Bio-panem Lappellation levain peut compléter ce texte.

30 Les enquêtes de M.INFANTES sont demandées par B.S.N. devenu DANONE depuis, afin de commercialiser des produits de ces filiales biscuits.
31 Voir le tableau III ; de, Les starters de levain & levains séchés ; nécessité ?,nouveauté !, utilité ?, facilité !. Document technique de Bio-panem 1996 qui permet une meilleure grille de lecture des deux enquêtes de M.INFANTES au sujet de la spécificité des levures du levain.

32 Laméricain Ed WOOD pathologiste professionnel, mais surtout passionné du levain, a été en récolté dans le Monde. Bien que ces descriptions ne soit pas poussée au niveau analyse microbiologique, son site est à visiter par curiosité ; www.sourdo.com. Il a écrit un livre, World Sourdoughs from Antiquity- Levain du Monde venant de lAntiquité, Ten Speed Press, 1996, où la défense des « wild yeast » -levures sauvages- est manifeste. La commercialisation de levains rapportés de Giza en Egypte, de la Mer Rouge, de Bahrein, de lArabie du sud, dAutriche, de France, de Finlande, de Russie, du Yukon et de San Franscico perd en authenticité du fait quils vont être produit par des farines autres quindigènes, par des méthodes différentes et dans des environnements hors de leurs sites dorigine. Pour rester en Amérique du nord, vous y trouverez également un très bon site sur le levain avec news group, forum et question le plus fréquemment posées ( les FAQ ) tenu par un canadien de Vancouver http://www.phoaks.com/phoaks2/newsgroups/rec/food/sourdough/index.html ou rec.food.sourdough.

33 La firme Chris.Hansen (DK) spécialiste des ferments lactés, a revendu dernièrement à la firme canadienne Lallemand (marque Lalvin), la commercialisation de ces souches de bactéries lactiques Florapan (209 au gr.)quil avait sélectionné pour la boulangerie. Dans ce cas, le starter nest composé que de ferments lactiques et il sera employé avec lajout de levure de boulanger. Cest également le cas de beaucoup de pains de San Francisco qui utilisent le ferment lactique puis la levure de boulanger du fait que la levure « sauvage » ne se conserve pas bien son efficacité lors de la commercialisation.

34 Certaines levures « sauvages » ou du levain sont parfois déclarées « contaminantes » jusque dans leur appellation. La « Hansenula » est dite « anomala », alors que le pain issu de sa fermentation lève bien et est excellent. Certaines bactéries lactiques sont aussi délaissées dans les choix des microbiologistes qui forcément arbitrairement décideront ce qui est « souhaitables » ou pas.
35 Certaines levures du levain (ou sauvages) ne résiste pas à des températures inférieures à 10°C. Cest pour ces raisons que certains starters de levain qui en comportent sont commercialisés de la levurerie en envoi rapide et direct vers les boulangeries et quont ne peut pas les lyophiliser.

36 Voir la Lettre ouverte concernant le décret français et le levain, publié dans la revue « les miettes de la bio », mai 1994, p. 7 à 10, qui critique la perte didentité de lécole française du levain de froment si lon doit obtenir les 900ppm. dacide acétique endogène dans la mie et un pH pas plus haut que 4,3 pour bénéficier de lappellation « levain ». Suite à une grande enquête de terrain entreprise en 1999-2000, une note dinformation de la DGCRF (organisme de contrôle de lEtat) signale qu« il semble que dans la pratique, il ny a quasiment pas de pain au levain ». Ce qui sexplique parce « que le critère dacidité acétique endogène est un critère exigeant correspondant plus à une « fabrication décole » (fermentation très longue) quà des conditions réelles ». Voir Steven KAPLAN, Le retour du bon pain, éd. Perrin, 2002, p.268 & p.470.
37 Lionel POILÂNE, Le guide de lamateur du pain éd.Laffont 1981, p.222.
Auteur : DEWALQUE Marc, BoulangerieNet.
Janvier 2007 a.s.b.l. bio-panem