« L’accroissement de la demande en gluten par les branches utilisatrices, notamment par la minoterie et par la boulangerie industrielle, s’est fait en raison non seulement du développement de la consommation de pains spéciaux, mais aussi du renforcement des exigences techniques pour les pains usuels » 23. L’industrialisation de la panification, c’est la mécanisation de plus en plus intensive de la pâte, par le pétrissage chronométré dans un pétrin fermé, le pesage volumétrique compressant la pâte, le raccourcissement de la fermentation en masse ( le pointage).

La surgélation des pâtes crues devra même éliminer cette première fermentation procurant une maturation de la pâte. C’est en augmentant son répondant élastique que la pâte va pouvoir affronter ces contraintes de transformation rapide de la farine en pain. Ainsi s’explique la demande de plus grande quantité de gluten. Pour avoir plus de gluten dans le froment, dans l’immédiat et dans l’agriculture conventionnel, il arrive que l’on gorge la culture d’engrais azotés 24 .

A long terme, il est préférable et plus stable de recourir à l’apport de la sélection variétale 25 . Ainsi le caractère général des froments cultivés en France était plutôt friable (soft), c.à.d. d’une teneur moindre en gluten. Depuis 1965, elle évolue vers le moyennement résistant (médium hard).

En 1990, il n’existe plus que 25% de froments friables (soft) pour 80% dans les années 1960 26 . « Il apparaît inévitable aujourd’hui de penrendre en compte le caractère résistant (hard) dans le froment comme critère de classement » et cela dès la récolte, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis 27 . Objectif bien défini par cet écrit, tant pis si la panification française a d’autres spécificités 28 .



23 Yves DACOSTA, page d’ introduction.
Les pains spéciaux de cette époque (années 1980) étaient riches en fibres et pouvait recevoir en Belgique jusqu’à 8% de gluten dans les mélanges prêt à l’emploi ; voir le sous-chapitre 7 de cette rubrique; l’ajout poudre de gluten vital

24 En agriculture biologique, c’est le choix d’assolement et un bon précédent au froment du type ; trèfle en engrais vert ou légumineuse fixant l’azote qui sera la méthode fertilisante. En agriculture conventionnelle, Yves DACOSTA, écrit qu’un froment qui titre 11 à 12 % de protéines, peut en avoir 14 à 15%, s’il est cultivé sur une terre gorgée d’engrais azotés.

25 Voyons l’historique de la problématique des protéines totales et du gluten (partie de ces protéines) et analysé à l’alvéographe, trois aspects qu’il faut différencier. Il semblerait qu’il y avait plus de protéines dans les anciens blés, mais pas forcément du gluten ( voir chap.: anciens blés). Au XVIIIème sciècle. A.A.PARMENTIER, p. 207 & 208, parle de 4 à 5 onces sur une livre de farine, soit en+/- 20%, ce qui est plausible mais en termes de gluten humide (à diviser par 2,85 pour trouver le taux de gluten sec), soit +/- 7%. Emile DUFOUR, p.13, début XXème donne une fourchette considérable de 7 % à 18 % de teneur en gluten sec ? Des précisions en terme d’analyse à l’alvéographe nous viennent par P.ROUSSEL & H.CHIRON, p.107, qui donnent un tableau d’estimation d’évolution des W moyens des froments panifiables ; en 1920-40 : 60-80, en 1940-50 : 80-90, en 1950-60 : 90-100, en 1960-70 : 100-110, en 1970-80 : 110-130, en 1980-90 : 140-170, en 1990-97 : 180-200, en 1997-2001 : 160-180. B.MAHAUT, écrit p.43, “ au cours de ces 10 ans (1982/1992), l’évolution de la dureté a subi un bouleversement total”. “ 1988, constitue l’année charnière où les blés médium hard prenne le pas sur les médium soft”.

26 G.BRANLARD 1997, p.7, & B.MAHAUT, p.5.

27 J.ABECASSIS, p. 17

28 La baguette par exemple n’est pas un pain de mie, sa grigne bien alvéolée n’est pas une mie fort pétrie et finement poreuse. Même les législations spécifiques aux pains sont fort différentes d’un pays à l’autre. L’Allemagne autorise, pour le seigle notamment, une très grande gamme d’acides et certains à doses illimitées. Les anglo-saxons autorisaient bromate et blanchissement au gaz chloré et utilisent beaucoup les datas-esters pour obtenir des mies bien hautes et spongieuses. Les français ont eu tracé une voie vers la tradition à perpétuer.