Autolyse 2/3
5. Le besoin de préciser le procédé
6. Recherche : bases techniques
7. Simprégner deau
8. Leau et la farine dans leur plus simple appareil
5. Le besoin de préciser le procédé
On peut distinguer le procédé dautolyse en termes de durée de temps de repos et de proportion de pâte engagée dans le procédé employé. De la petite expérience des professionnels 19 pratiquant la méthode on relèvera deux grands principes :
1. Soit cest toute la pâte qui est mélangée à leau sans ferments et avant ladjonction de ceux-ci et des autres ingrédients. Dans ce cas lexpression employée est ;
repos autolyse.
2. Soit, seule une partie de la farine est mélangée sans ferment puis est ajoutée lors du pétrissage de lensemble des ingrédients et lexpression employée est ;
apport de pâte autolysée.
Le repos autolyse de lentièreté ne dépassera généralement pas lheure.
Le pourcentage dapport de pâte autolysée peut aller jusquà 50% ou ne représentera que 20% du poids total en farine de la pâte. Mais dans ce cas, intervient deux éléments. Lajout de sel ou pas (vu au sous-chapitre 9) et la température de conservation (soit ambiante, soit au froid positif).
Le professeur Calvel a réalisé 30 essais avec témoins référentiels sans autolyse. Ils sont analysés au niveau de la flaveur (goût & arôme), du volume et de la tolérance les pâtes et sur dautres critères. Nous tenterons de résumer les résultats de ces essais, fin de ce chapitre au tableau 2.
Le repos-autolyse (de toute la pâte), le moins performant 20, a lavantage de la simplification et de la rapidité par le fait quil nécessite moins de manutention et doccupation de matériel.
Les meilleurs résultats de tous les essais, sont ceux où lon a introduit 50% soit à t° ambiante (22°C) pendant 18 à 22 heures, soit à 4°C pendant 40 heures.
6. Recherche : bases techniques
Il y a près de 30 ans que linitiateur de la méthode dautolyse souhaitait « que dautres en ce domaine (celui de labsence de données scientifiques sur le sujet) puissent combler cette lacune » 21. Je me permettrai plutôt de continuer à observer. Nest ce pas un beau bagage professionnel que « beaucoup dempirisme, une intuition et de la chance » 22. Cest celui qui a conduit le professeur Calvel depuis cette fin janvier 1956. Souhaitons que les lignes qui suivent puissent donner plus dassise à la méthode à la lumière des découvertes opérées depuis lors.
7. Simprégner deau
La conservation des céréales implique que celles-ci ne contiennent que ± 13% dhumidité. Ce qui est un record par rapport aux autres aliments. Suite à lhumidification nécessaire précédant la mouture, on trouve ± 15% dhumidité ( ou eau) dans la farine. Pour la consistance pâteuse, on va multiplié la présence deau par 5,5 en hydratant à environ 60% la farine. Il y aura même presque autant deau que de matière sèche lorsquon hydrate fortement une pâte à 65-70%. Or toute cette eau ne peut être contenue en peu de temps par la farine. La teneur maximum en eau pouvant se lier rapidement à la farine de la pâte serait daprès certaines recherches de 25% 23. On hydratera les pâtes pour la pastification le moins possible (30%) afin que les pâtes alimentaires (macaroni et compagnie) se conservent bien. Il y aurait donc 5% deau « libre » (30-25) dans les procédés de pastification 24 et 35% deau « libre » (60-25) en panification. Ce qui rendra cette dernière plus « mobile » 25. Lors de la formation de létat pâteux, leau sintroduit entre les innombrables grains damidons, elle pénètre entre ceux-ci par « capillarité » 26. Lors de lemploi de farine plus complète, les enveloppes (son) se ramollissent en ± 2 heures 27. Le gluten est capable dabsorber 2 X son poids deau, les pentosanes, plus présents dans les farines moins extraites ont des capacités dabsorption encore plus importante (8 X) 28. Plus le grain est résistant (hard) à la mouture, plus il sera probablement endommagé et plus il offrira des possibilités dimprégnation. En fin les fibres du son, lorsquelles feront partie de votre choix de farine agiront comme agent de rétention deau, sans vraiment se dissoudre 29.
On le voit, rien quen approchant les composants de base, les interactions eau / farine peuvent être différentes suivant lidentité de votre farine de froment. Que dire des autres farines et du temps nécessaire à lefficience de ces « capillarités ».
8. Leau et la farine dans leur plus simple appareil
Voilà notre pâte « inerte autolysée » 30 plus « mobile » que lon ne croit, même sans ferment. Une mobilité déjà définie par son appellation ; autolyse = auto-dégradation. Je préfère toutefois transcrire autolyse par la définition que le professeur Calvel lui donne 4 ans après sa première description ; « auto-évolution des qualités plastiques » 31. Cétait sa visée en 1956, « neutraliser lexcès de force (de la farine) qui interdisait aux petits pains de jeter ». De manière générale, certaines années les farines peuvent avoir trop peu de force, par exemple lorsque les grains ont germés sur pied. En doublant une solide expérience dune bonne observation, lidée daugmenter lactivité enzymatique (la lyse) en trempant une partie de la pâte afin de dégrader notamment les protéines du froment (gluten) peut sinscrire en termes de procédé. Il serait peut être bon pour notre lanterne de comprendre ce qui se passe lors de la germination des grains de céréales. La première phase de la fabrication de la bière, qui utilise une céréale appropriée (généralement une espèce dorge) et lanalyse de la cuisine aux graines germées vont nous aider à comprendre un peu ce qui se passe. Le maltage, mot qui veut dire amollir 32 , consiste a faire absorber de leau fraîche (que lon va renouveler) pendant 72 à 120 heures. Dans le procédé industriel, on injecte aussi de lair pour arriver au malt vert 33. Lors de la germination des grains de froment, pas de trempage dans une cuve comme pour le malt. On veille à maintenir une forte humidité constante et au bout de 72 à 120 heures également, le germe pointe. 72 ou 120 heures, alors que le pain est quotidien (24h.) comme on aime à le répéter. Le processus de germination est bien plus lent que le processus de fermentation même naturel et spontané
Changements dans la composition du blé en en germination
Extrait de M.CAYLA, p.32 qui reprend un tableau de 1925 de V.KULVINSKAS.
Nombre d' heures de germination |
Evolution de la teneur en eau |
Evolution de la teneur en lipides |
Evolution de la teneur en dextrines |
Evolution de la teneur en amidon |
24 h. |
+ 3 % |
- 13, 9 % |
+ 156 % |
- 39, 5 % |
144 h. |
+ 7, 8 % |
- 31,44 % |
+ 178 % |
- 73, 5 % |
288 h. |
non côté |
non côté |
non côté |
- 99 % |
àla teneur en amidon, longue chaine de molécules (± 30) de glucose et la dégradant en plus petites chaînes (± 3 à 5 molécules).
Pour son créateur, le processus de lautolyse ne peut dépasser les 18 heures, « au delà lapport devient pénalisant »34 . Lautolyse sinscrit clairement dans ce processus lent de la germination. Un des aspects les plus clairs est de ne pas adjoindre une fermentation à lautolyse 35. Avant ou après on fait ce que lon veut au niveau mélange, mais il est clair quil faut séparer pâte autolysée et pâte fermentée si lon veut élargir le panel des « auto-amendement de la pâte »36. La lenteur de la germination garantit un autre processus à lautolyse. La transformation qui sopère est celle qui est issu de lénergie de la plante uniquement, sans celle avivée fortement par la vie des ferments (levain ou levure). La lenteur du processus explique à mon sens que les meilleurs résultats obtenus par les apports de pâte autolysée sont ceux profitant de plus de temps de maturité et ceux bénéficiant des plus grandes proportions dapports. Il faudra néanmoins tenir compte, surtout au à lautomne et au printemps, de létat de la récolte dans son calcul dapport de pâte autolysée. Il est généralement dit par les bulletins dinformations des meuniers quil faut réduire le pourcentage de pâte autolysée les années où les froments ont eu tendance à germer sur pied 37.
19 Voir Philippe ROUSSEL & Hubert CHIRON p. 198 & 199 et pour les autres sources publiées, Gérard MEUNIER, Lautolyse et lemploi de la pâte autolysée et James MAC GUIRE, Lavantage de lélaboration des levains sur pâte autolysée. Tous des amis du professeur CALVEL.

20 Gérard MEUNIER, p.10, qui utilisait déjà le repos autolyse pour pallier au manque de lissage obtient encore un meilleur résultat avec lapport de pâte autolysée

21 Raymond CALVEL, 1974, p.297.
22 Raymond CALVEL, 1974, p.296.
23 Jean BURE , p.18.

24 Il faudra compresser entre deux rouleaux, la pâte composée de grosses particules de farine (semoule) et deau pour obtenir une cohésion.
25 « Leau se regroupe avec leau, car qui se ressemble sassemble, leau exclut les molécules qui nont pas en commun avec elle détablir une liaison hydrogène. » Voir Hervé THYS, p.27. Mais dès que le rapport soluté - H2O ( matière dissoute- eau) et plus fort que le rapport soluté - soluté la solubilisation augmente brutalement. Voir Martine LE MESTE et Bernard COLAS, p.11.

26 Un boulanger parisien (Phillipe Gosselin) ayant obtenu le prix de la meilleure baguette en 1996 employe une belle expression pour qualifier lautolyse de 2 heures qui précède sa pâte ; «Ainsi leau saccomode bien avec la farine », voir S. KAPLAN, p.391.

27 H.THYS, p. 113.
28 Xavier ROUAU 1996, p.13 à 19 décrit les pouvoirs absorbants des pentosanes, p. 14, il écrit que 20 à 50% des pentosanes du froment sont hydrosolubles. Page 14, « Les arabinoxylanes (= pentosanes) solubles forment des solutions extrêment visqueuses (20 X plus que les protéines solubles ». Page 15, « environ 20% de leau est associé aux pentosanes ».

29 Dans larticle de J.F. THIBAULT on apprend, p. 205, quà lorigine le son de blé ne contient que 10 % dhumidité (encore moins que les 13% du grain). Faisant référence à une étude de J.L. MULTON, p.206, il signale que la granulométrie du blé semble avoir son importance. Daprès lappareil de Baumann, il obtient des capacités dhydratation (gr ./gr.) de 2.5 pour le son et de 3,6 pour le son broyé. Plus loin, p.209, il écrit que 3 gr. de son, savent absorber leur équivalent deau.

30 R.CALVEL, 1974, p.289.
31 R.CALVEL, 1978, article « Linfluence de lautolyse de la pâte », p.139 & 140. Encore en 1992, le professeur publiera un article dans la revue Industries des céréales, n°80 dont le titre cible clairement Lamendement de la ténacité et de lélasticité par lusage de lautolyse.

32 M. CAYLA, p.32, Cela vient de lallemand « malz » et langlais « mealt ». « Melzen » en allemand signifie amollir.
33 I. de JOUFFROY dABBANS, p.75. Suivra le séchage appelé, touraillage terminé par un « coup de feu », le dégermage, pour arriver au malt de brasserie concassé et moulu pour la boulangerie.
34 R.CALVEL, 1974, p.291. où le professeur parle du problème du à lacidification.

35 Comme on la déjà signaler, G.SPICHER p.34 pour la « Quellstück » écrit que lon peut empêché les fermentations non souhaitées avec un adjonction dacétate. M.GLEZER note p.12 que lhydratation profite de labsence de la levure. J.BURE écrit p. 18 que le développement des microorganismes empêche une teneur en eau maximum. Il est clair que la phase oxydante quengendre une fermentation change la donne au niveau des liaisons hydrogène recherchée par leau pour la farine.

36 Encore une bonne expression et définition du professeur CALVEL, 1974, p.297.
37 Yves POPINEAU, p.145, signale qu « en règle générale, lactivité des protéases endogènes du blé reste très limitée en absence de germination. »