La recherche de la température de la pâte
Posté : vendredi 16 mars 2018, 14:45

Pour le calcul de la température de la pâte, le premier principe à prendre en compte semble bien être la température que l’on considère idéale pour les microorganismes de la fermentation.
Ce sont généralement les levuriers qui apportent la donne, 22° à 25°C .
Comme la pièce dans laquelle on travaille ne sait pas facilement se réchauffer rapidement et comme la farine a encore plus d’inertie thermique, c’est sur la température de l’eau de coulage que l’on va devoir porter son attention pour la maitrise du bon degré Celsius ou pour les States, degré Fahrenheit.
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Afin d’obtenir le chiffre de température de l’eau de coulage, il suffit de multiplier par 3 la température idéal de la fermentation et de retirer les températures de la pièce et de la farine - généralement 1 à 2 °C en dessous de la température de la pièce-, pour trouver le chiffre du degré de l’eau de coulage.

Notez que nous n’avons aucune indication sur la période ou cet exemple a été efficace, hiver avec forte gelées ou canicule estivale sont évidement des données importantes pour déterminer la température de base.
La pâte est comme notre corps, elle ne doit ni grelotter, ni avoir de la fièvre.
Émile Dufour décrit deux cas extrêmes , si, en hiver l’eau venant au robinet avait 3°C, la farine 5°C et le fournil 6°C.
Cela donne un calcul dans l’objectif de température de base de 60°C ; 60°C - (5°C + 6°C) = 49° C, de quoi chauffer beaucoup l’eau pour qu’elle passe de 3 à 49°C.
Alors qu’au plus fort de l’été, toujours dans le témoignage des années 1930, on se trouvera avec une température de l’eau au robinet à 26°C, la farine à 30°C et le fournil à 30°C également, ce qui donne dans le calcul de la température basée sur 60°C ; 60°C - (30°C + 30°C) = 0°C alors qu’elle est 26°C en sortant du robinet, de quoi mettre de la glace dans l’eau.
On voit là, les limites du calcul des températures de l’eau qui va aller au temps des fortes gelées à 49°C, au-delà du respect de la vie des enzymes de la farine et des microorganismes et en été oblige à refroidir l’eau de distribution.
Ce système de calcul nous indique aussi les préventions à prendre pour tempérer les températures de la farine et du fournil et ne pas tout demander à la température de l’eau.
Certes couler l’eau la plus fraîche possible est un choix qui est transmis par la profession de longue date, « le pain qui a été pétri à l’eau froide ou tiède est constamment meilleur, plus blanc et plus savoureux que celui fait à l’eau chaude ».
On remarque que le calcul avec température de base fixe n’est pas significatif au point de déterminer celles-ci, une fois pour toutes.
« Ce qu’il faut…c’est quand vous mettez votre pâte en planche, quand vous tournez, vous triturez votre pâte, que celle-ci vous laisse une légère sensation de fraîcheur, 22 -24°C. Voilà le milieu».
« Seuls ceux qui ont boulangé à bras ont pu s’apercevoir des différences qui peuvent exister » dit É.Dufour.
Ce n’est pas pour relancer le débat entre pétrissage manuel et mécanique, mais le toucher a son importance à l’époque du « pifomètre » et permet d’être plus au courant des degrés présents.
Le thermomètre est au boulanger, ce que la boussole est au marin écrit Émile Dufour, ce qui disait déjà un autre maitre boulanger S.Vaury , auteur de Guide de boulangerie pratiquement un siècle avant lui.
Ce dernier écrit en 1834, « qu’il est bien de le -le thermomètre- faire connaître à ceux qui peuvent encore l’ignorer ».
De fait, puisque les thermomètres -à alcool- de Réaumur, -à mercure- de Celsius et Casati n’existent que depuis les années 1730 & 1740.
Il n’y a pratiquement que les «scientifiques» de l’époque de S.Vaury qui l’emploi.
Les thermomètres ne commenceront vraiment leur application que lorsque la Convention, décidera en 1794 en même temps que l’application du système métrique, que «le degré thermométrique sera la centième partie de la distance entre le terme de la glace et celui de l’eau bouillante».
Avant en boulangerie « en général, on établit qu’il faut prendre l’eau, 1er -telle qu’elle est -sortant du puits-, 2ème tiède en hiver, 3ème chaude dans les grandes gelées ».
S.Vaury propose d’avoir deux thermomètres, un fixe, pour la t° de l’atelier et l’autre flottant pour la t° de l’eau et d’effectuer un tableau régulateur de l’ouvrage, pour que « l’ouvrage devienne invariable ».
Ce n’est pas pour rien qu’il intitule son livre, guide.

Voilà qui interpelle et met presque le système de calcul de température de base au placard, puisque cela obligerait d’avoir des t° d’atelier et de farine constamment à ± 22,5°C.
En prenant 60°C comme température de base, même si les couvertures sur la pâte et le voisinage du four de masse à bonne inertie thermique pouvait permettre de tenir au chaud, la vie présente dans le levain, cette eau à 15°C ne devait pas être d’usage aux périodes de grandes gelées.
Tout cela nous explique pourquoi la température de base n’est pas le reflet de la multiplication de la température idéal des 25°C multiplié par 3.

Du coup, le thermomètre devient plus utile.
Si l’on prend le raccourci « pifomètre » quand même, il est plus qu’utile d’au moins une fois, effectuer des tests à l’aveugle en demandant aux apprenant-e-s de tremper leurs doigts ou mains dans l’eau de coulage et de faire dire à quels degrés, elle ou il pense que l’eau est.
On a des surprises quelques fois et cela permet d’étalonner le « pifomètre ».
Ce qui va changer avec le pétrissage mécanique c’est que vers le milieu des années 1950, on passe à la deuxième vitesse, celle qui bat la pâte à plus de 80 tours de rotations par minutes.
Et que celle-ci va donner de la fièvre , enfin de la température à la pâte.
Commence alors la prise en compte de l’échauffement lors du pétrissage.
On estime que la pâte monte en température de 0,3°C à 0,5°C par minutes lors d’une intensité -plus de 80 r.p.m.- , ce qui multiplié par 20 minutes donnera un élévation de la température approximative de 6 à 10°C, qu’il faudra déduire du chiffre de la température de base.
On le voit ce calcul de l’échauffement est déclaré approximatif puisque comme l’écrit Thierry Meunier dans les dossiers du CREBESC - Centre de Recherches et d’Études pour la Boulangerie Et Ses Compagnonnages -, il faut tenir compte de la vitesse de rotation, de la fermeté des pâtes et du type de bras qui malaxe.
En prenant une montée en température 0,65°C par minutes en deuxième vitesse, Thierry Meunier considère que pour un pétrissage en vitesse lente -PVL-, 1ère vitesse de pétrins du XXIème siècle à 80 r.p.m. pendant 20’ la température de base doit être de 68°C à 70°C.
Le pétrissage amélioré -PA- avec 3’ en 1ère et 4’ en 2ème vitesse donnera une température de base entre 62 et 64°C et enfin en pétrissage intensif avec 3’ en 1ère et 6’ en 2ème vitesse, c’est 54 à 57°C la température de base.
Le tableau qui suit tient en compte le pétrissage intensif et des différentes saisons.

Certains considèrent dès lors qu’il est inutile de monter trop en température de base puisque par après, il y aura une consommation énergétique pour faire redescendre cette température à des niveaux de baisse voire d’arrêt de fermentation.
Voilà pour le calcul de ce paramètre important de mise en forme physique d’une pâte qu’est la température.
Comme s’étonnent avec raison, les chercheurs à ce sujet, les boulangers sont parfois les seuls des métiers pratiquant la fermentation à ne pas employer le thermomètre.
Je précise que dans ce calcul qui se veut préventif, il est plus qu’utile pour sa maîtrise professionnel de prendre le résultat, la température de la pâte finale, puisque les trois températures ne tiennent pas compte de la température du levain -qui peut être important et a passé la nuit dans des températures plus fraîches.
Il ne tient pas compte non plus de la température de la cuve métallique qui influe aussi.
Quand on verse l’eau de coulage en premier, il arrive facilement qu’elle perde 10° degrés en hiver au contact de la cuve froide.
Ce n’est qu’après ce constat de température de la pâte finale qu’on rectifie en fonction son montant de température de base.
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