Si vous voulez suivre ce qui se discute à propos de notre assiette et de nos matières premières de demain, c'est intéressant de suivre le débat qui s'articule autour de ces "Nouvelles Biotechnologies"
Vous savez -pour ceux qui suivent- que 7 représentants de la société civile ont démissionné du HCB (Haut Conseil des Biotechnologies)
Afin de suivre le fil, vous pouvez cliquer sur ce
lien des actu de B.N.
Mais vous ignorez peut-être qu'un expert scientifique, Yves Bertheau- a également démissionné.
Il s'explique dans ces lignes avec un langage certes scientifique, mais des propos tels
"...détournement de procédures,...de nombreuses incohérences,... des points cruciaux évacués dans des fiches techniques non fournies, ...orientation plus socioéconomique que scientifique"
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Depuis quelques années, de nouvelles techniques d'obtention des plantes, rassemblées sous le nom de NPBT (new plant breeding techniques), ont émergé, telles que CRISPR-Cas et les nucléases à doigt de zinc, deux systèmes d'édition du génome mis au point récemment.
En 2007, la Commission européenne a engagé une réflexion sur ces nouvelles techniques et leur réglementation : entrent-elles dans le cadre de la législation des OGM (organismes génétiquement modifiés) ou non ?
Si tel est le cas, chaque plante produite doit faire l'objet d'une autorisation, après évaluation, et d'un étiquetage.
Début 2016 en France, cette question a plongé le Haut conseil des biotechnologies (HCB) dans une crise profonde.
L'éclairage d'Yves Bertheau, chercheur INRA au Muséum national d'histoire naturelle et récent démissionnaire du comité scientifique du HCB.
Pourquoi avez-vous démissionné du HCB ?
Yves Bertheau : Pour trois raisons. D'abord, il y a eu un détournement de procédure. Le HCB a été créé en 2009 pour « éclairer de manière indépendante le gouvernement sur toutes questions intéressant les OGM ou toute autre biotechnologie ». Habituellement, à la suite d'une saisine ministérielle ou d'une autosaisine, le comité scientifique du HCB émet un avis sur la question soulevée, fondé sur une expertise scientifique, puis le comité économique, éthique et social, l'autre instance du HCB, s'appuie sur cet avis pour émettre le sien sur les aspects socioéconomiques. Or c'est un tout autre scénario qui s'est déroulé au sujet des NPBT.
L'ordre du jour de la séance du 16 décembre 2015 prévoyait une rapide discussion sur une note de synthèse d'un groupe de travail interne au comité scientifique, mis en place trois ans plus tôt pour réfléchir à ces nouvelles techniques. Lors de la séance, on nous a expliqué que cette note devançait une saisine du gouvernement qui devait arriver fin janvier. Mais, peu après, le texte a été transmis au gouvernement sous la forme d'un avis, alors qu'il n'en avait aucun des critères juridiques et de qualité. Ce n'était qu'une note de travail ! Nous avons aussi appris que le comité économique, éthique et social avait reçu ce texte en même temps que nous pour émettre son avis. La saisine, quant à elle, n'est jamais arrivée, pas plus qu'une autosaisine. Nous n'avons donc jamais su ce qui nous était demandé. Mais cela n'a pas empêché le gouvernement de se référer plusieurs fois à cette note, qui conclut, en substance, que plusieurs techniques ne devraient pas faire l'objet d'une étude systématique calquée sur le modèle des OGM.
L'avis publié est donc de qualité médiocre ?
Y. B. : Il est très mauvais, c'est la deuxième raison de ma démission. Je ne pouvais le cautionner. Un vocabulaire et un français approximatifs, de nombreuses incohérences, des points cruciaux évacués dans des fiches techniques non fournies... Et enfin, une orientation plus socioéconomique que scientifique. Le groupe de travail n'a apparemment auditionné que des porteurs d'intérêt, qu'il ne nous est même pas permis de connaître. Aucun scientifique au front dans les domaines concernés ne paraît avoir été contacté. Au lieu d'un rapport scientifique, on se retrouve avec un galimatias. Il faut dire que le bureau du HCB, qui nomme les membres des groupes de travail, a choisi de faire majoritairement appel à des personnes ayant un lien avec le développement économique de ces nouvelles techniques, et même pas du secteur végétal. Un comble pour un rapport qui annonce se préoccuper des plantes.
Quelle est la troisième raison de votre départ ?
Y. B. : Les fiches techniques n'ont été fournies que mi-janvier, car elles étaient « en cours d'élaboration » en décembre. Bien qu'elles constituent plus des deux tiers de la note, le bureau du HCB n'a proposé aucune séance pour les discuter avant l'envoi du texte au gouvernement. Or ces fiches ressemblent plus à des pages Wikipedia qu'à des documents d'experts scientifiques. Elles se contentent de décrire succinctement les différentes techniques abordées, sans aucun recul. L'ensemble aboutit à une note qui ne traite que de certaines techniques, voire de certaines variantes, parfois seulement dans quelques situations, et qui ne les regarde que par le petit bout de la lorgnette.
Quelles techniques ne sont pas abordées ?
Y. B. : Le problème n'était certes pas simple au départ. Le terme NPBT regroupe de nombreuses techniques qui n'ont pas grand-chose à voir entre elles. Celles fondées sur l'édition du génome à l'aide d'enzymes sont les plus médiatisées, car elles prennent leur essor depuis peu : des enzymes (nucléase à doigt de zinc, nucléase TALEN, système CRISPR-Cas) reconnaissent des séquences spécifiques d'ADN et les coupent pour y insérer ou non un fragment d'ADN. Mais les NPBT incluent aussi les greffes entre greffon OGM et porte-greffe non OGM ou vice versa, ainsi que l'agro-infiltration (une bactérie Agrobacterium tumefaciens injecte de l'ADN étranger dans une cellule végétale, qui le traduit en protéines, puis le détruit) et bien d'autres techniques . Cela donne un ensemble très confus, dont le groupe de travail n'a pas fourni un aperçu exhaustif et surtout compréhensible. Il a par exemple éludé les méganucléases, des enzymes qui reconnaissent et coupent une séquence plus longue et plus rare que les nucléases ou le système CRISPR-Cas. Et concernant l'agro-infiltration, il s'est restreint à son application en milieu confiné, alors que les opérateurs souhaitent l'utiliser en champs, par aspersions aériennes. Il a aussi « oublié » d'autres techniques comme le floral dip (une technique de transformation par trempage des tissus végétaux dans une solution de bactéries).
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