Après les voyages dans l’espace que permet les vacances, voilà une proposition de voyage dans le temps qui permettra peut être une reprise avec enracinement.
Pour ce voyage dans le temps, il faudra s’y faire à ce français très XVIIIème siècle, où le langage mondain et un peu « dandy » nous fera voyager à l’époque des chapeaux à plume, perruques (gare aux acariens) et manières courtisanes de l’époque.
L’expression de levain de chef est parfois remplacée par d’autres ; levain de pâte (qui est d’ailleurs le titre du chapitre que lui consacre Paul.J.Malouin), franc levain qui pourrait presque s’expliquer par les deux expressions qui suivent dans l’exposé du même auteur, levain ordinaire et levain simple et enfin sa dernière expression levain naturel.
Paul.J.Malouin nous laissent sur notre faim quant à la culture ou l’élevage d’un tout nouveau levain-chef. C’est qui faut se remettre dans les données sociales du XVIIIème siècle où même pour les réparations de la sole du four, on ne laisse pas plus d’une journée (voir 16 heures) d’inactivité commerciale. Dans ces conditions de travail, la définition du levain-chef est «une pâte qui a plus levé qu’il ne faut pour faire du pain». «Il faut douze où quinze heures au levain de chef à prendre son apprêt…s’il était garder plus de quatre jours, sans être renouvelé, il se gâterait et prendrait une amertume qui est un commencement de pourriture».
On peut mieux comprendre qu’on ne démarrait plus que rarement de rien et qu’il ne fallait pratiquement jamais, refaire une nouvelle souche. «Si l’on n’a point de levain, il faut en emprunter», «ordinairement, le levains se prêtent entre voisins et boulangers», c’est aussi simple que çà.
Même si on ajoute par après «ou on peut en faire un, si on en a le temps» et de préciser directement «comment on peut faire du levain sur-le-champ dans le besoin», on trouvera l’explication «dans l’article des levains artificiels-les « starters » de l’époque (levure, présure, vinaigre, lait caillé)-».
Paul.J.Malouin précise toutefois «je conseille de choisir pour composer les levains, celles des farines qui fermentent le plus, c’est la quatrième farine -une farine qui contient un peu plus des extraits des couches périphériques du grain-».

La consistance assez ferme «qu’on donne a ce chef» ensuite, fait «obstacle à son prompt travail et permet qu’on le garde environ douze heures sans rien perdre de ses propriétés spiritueuses» précise le même auteur.
Ce mot «ratissures» engendre la compréhension d’un autre mot plus présent, lui; «remouillures».
C’est l’explication partielle et l’origine de ce proverbe professionnel «vieilles remouillures et jeunes levains, font du bon pain».
Et pour dire que cette expression est entrée dans le langage comme dicton, c’est que derrière ces mots, il existe un vécu.
On cherche, dans une journée où la durée du travail n’arrête pas longtemps, à démarrer les rafraîchis d’un bout de pâte qui a fermenté le plus longtemps possible et on va pour cela reprendre celle qui est restée sur les bords du pétrin, pour s’assurer qu’elle a assez de maturité («d’apprêt»).
Trop jeune la fermentation ne peut pas bien produire son effet. Bien entendu, ces «ratissures» sont très sèches d’où l’obligation de les «remouiller».
Antoine.A.Parmentier est un tout petit peu plus bavard que Paul.J.Malouin sur le démarrage d’une nouvelle souche de «levain de chef».
«Les corps susceptibles de la fermentation, n’ont pas besoin de levains pour fermenter, l’hydromel, le cidre, le poiré, le vin, etc. s’obtiennent ordinairement sans aucun secours étranger.
Il serait également inutile d’ajouter à la farine autre chose que de l’eau et de l’abandonner ensuite à l’air libre.
Mais le principe fermentescible s’y trouve plus enveloppé (c.à.d. : moins biodisponible) qu’il ne l’est dans le suc sucré (c.à.d. : les sucres simples, l’amidon devant être dégradé en sucres simples pour fermenter) des végétaux, il faut nécessairement l’aider par une matière déjà en fermentation, ou par des substances végétales, plus disposées qu’elle à prendre ce mouvement intestin».
«Ce n’est cependant pas qu’on ne puisse avec la farine seule et de l’eau composer un levain.
Pour cet effet, on prend la quantité de farine que l’on veut, on la mêle avec de l’eau bien chaude, on travaille peu le mélange que l’on tient très mou, on l’expose après cela dans un endroit fort chaud, afin qu’il s’aigrisse promptement, c’est ordinairement l’affaire de douze heures.
Dès que cette pâte a contracté une odeur assez aigre, on la délaye dans la même quantité d’eau chaude et de farine pour en faire une pâte plus ferme qu’on place sur le four et qu’il n’est plus autant de temps à fermenter.
On répète encore une fois cette opération et on obtient un levain propre à être employé. Il faut pourtant convenir qu’un levain préparé suivant la méthode ci-dessus énoncée, ne donne pas d’abord au pain toute la légèreté et toute la saveur qu’il peut avoir, par la raison qu’étant trop longtemps à acquérir le point d’apprêt convenable. Il est dans le cas de celui qui languit (c.à.d. : rate le temps prévu par la lenteur) dans la fermentation. Mais il se perfectionne à mesure que l’on cuit et parvient dans les fournées suivantes à prendre tous les caractères d’un levain parfait.»
Quand à la propriété des levains et de la détermination de leurs qualités, Antoine.A.Parmentier donnent trois termes et veut les éclaircir, tant mieux pour nous qui cherchons la clarté pour une meilleure compréhension; «levains vieux, levains forts & jeunes levains».
1.- «levains vieux» : «c’est une pâte qui, après avoir gonflé, s’est affaissée et aplatie au point de ne plus occuper le même volume qu’elle avait avant la fermentation. Ce levain se sèche à sa superficie, forme une croûte dure, tandis que l’intérieur est presque liquide, quoique la pâte ait été très ferme. Sa couleur est d’un gris blanchâtre. Il n’exhale plus cette odeur vineuse volatile. L’acide qui le constitue est pesant.» «Il a passé son apprêt et est très acide.»
2.- «levains forts» : « que l’on confond mal à propos avec le levain vieux, ce qui a jeté dans l’embarras tous ceux qui cherchent à s’instruire sur les phénomènes que présente la pâte en fermentation. Le levain fort, dis-je, est celui qui ayant acquis un volume très considérable, est parvenu au plus haut degré d’apprêt, se gerce, se crevasse et répand une odeur volatile, tel serait le levain de première où le chef se trouverait par moitié.» «Il est au plus grand degré d’apprêt. Il accélère la fermentation de la pâte et a le caractère vineux et spiritueux.»
3.- «jeunes levains» : «il ne ressemble nullement aux deux autres levains dont il vient d’être question. Il a un très grand volume, sa surface est unie et blanchâtre, il est très léger, tenace et visqueux, son odeur est agréable, pénétrante sans encore être acide.» «Il est dans le commencement de fermentation. Son état est seulement gazeux, c’est celui qui soulève doucement la pâte sans l’aigrir, ni la faire créneler et donne en même temps un bon goût au pain».
Pour ces trois définitions, j’ai envie de dire à l’oreille en soulevant un coin de perruque ; «merci, Antoine».

Rédaction : © 2006 Equipe BoulangerieNet
L'actualité en continue autour de la boulangerie pâtisserie.
