La meringue et ses histoires professionnelles

L'actualité autour de la boulangerie pâtisserie.
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Marc
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juil. 2006
mercredi
05
15:24

Histoire de la meringue.

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Les origines de la meringue sont controversées.
D’une part on parle de l’invention en 1720 d’un pâtissier suisse, Gasparini,  originaire ou installé à Meiringen (doù le nom "meringue"), dans la vallée de l’Aar encaissée dans les Alpes et au cœur de la Suisse  . Mais la guerre de 40-45 détruisit les preuves de cette hypothèse historique
Un restaurateur (l’Hôtel Brunner) de Meiringen vous propose même une petite vidéo et la possibilité de confectionner vous-même  ce qui s’appelle parfois à cet endroit « merinque ».
D’autre part la recherche historique s’active plus sur l’étymologie du nom « meringue » et fait remonter celui-ci au polonais «marzynka» et à l’importation de cette expression attribuée à Stanislas (celui de la place Stanislas de Nancy) Lesczynski, roi de Pologne puis Duc de Lorraine et beau-père de Louis XV qui épousa sa fille Maria, fort friande de cette pâtisserie.
Pour couronner le tout certains font une synthèse des deux origines dans des folios publicitaires grand public.
Que dire de tout cela ? Il semble comme souvent que les belles histoires ont plus de chance d’être crédible et qu’un historien soucieux de vérité venant par après apporter honnêtement une analyse de document historique aura peu de chance d’être entendu.

Une recette de « neige sèche » se retrouve dans un écrit détaillé d’un cuisiner du prince-évêque de Liège en 1604. La voilà livrée après translation du texte d’époque  .
« Prenez six blancs d’œufs battus pendant un quart d’heure afin d’obtenir une grosse écume. Retirez cette écume et battez à nouveau les blancs jusqu’à ce que tout soit réduit en écume. Prenez une livre de sucre blanc, faites-la fondre dans l’eau de rose ; vous la laissez bouillir à la perfection assez longtemps pour qu’elle tombe dans la stapule comme de la neige. Vous prenez ensuite deux grains de musc ». Le musc est une substance fortement odorante tirée de certaines glandes animales recherchées notamment par Marco POLO. On peut aussi obtenir cette substance de diverses graines et amandes. Le raisin de Muscat, la noix de muscade, la poire muscadelle et même le rat musqué tiennent leurs noms de senteurs relativement semblables ; voir Robert LANDRY, Guide culinaire des épices, éd.Marabout, 1978, p.247. avec un peu de gingembre en poudre ; vous mélangez le tout avec du sucre fondu. Vous prenez toute l’écume des blancs d’œufs, vous mélangez bien ensemble avec le sucre jusqu’à ce que vous voyez qu’elle devienne épaisse comme de la crème, vous les mettez dans des plats et vous servez"Il s’agit plutôt ici d’une recette de ce que l’on appellerait aujourd’hui « meringue italienne » ou meringue à chaud, pour la différencier de la meringue à froid expliquée ci-après.

Le manuel Roret   de la pâtisserie publié avec en toile de fond l’œuvre d’Antonin CARÊME, parle de ce dernier comme l’inventeur  « des petits fours, des meringues et autres pâtisseries ».
En fait il fut l’inventeur et/ou le premier a utiliser le cornet à douille pour dresser les crêmes et notamment celles des grosses meringues.
Voici la recette de la moitié du 19ème  siècle : «On fouette six blancs d’œufs et lorsqu’ils sont bien ferme on y ajoute petit à petit 250 grammes de sucre pilé   et le parfum choisi toujours en agitant les blancs avec le fouet de buis dont les rameaux blanchis doivent être fort écartés. Quand la pâte est assez travaillée, c’est à dire lorsqu’elle se sépare facilement de la cuillère, on pose des feuilles de papier blanc sur des plaques de fer-blanc, et on y coule les meringues par cuillerées à la distance de 15 millimètres. A cet effet, on pose à plat la cuillère remplie de pâte, de manière qu’étant enlevée, elle laisse la meringue moulée, la partie ronde en l’air et toute semblable à la moitié d’un œuf. On en sucre légèrement la surface avec du sucre pilé très fin, et on les met cuire à un four très doux. Quand elles sont cuites, on les enlève avec un couteau de dessus le papier et si l’on veut les garnir de crème ou de confiture, on enfonce légèrement le centre avec une cuillère sur un centimètre d’épaisseur, en ayant de ne pas déformer la meringue. On les entretient sèche à l’étuve sur des tamis ou sur des plaques. Au moment de servir -jamais plutôt, parce que l’humidité de la garniture amollit leur pâte légère- on remplit deux moitié de la crème ou de la confiture choisie et on les accouple par la surface plate, de manière qu’elles affectent la forme d’un œuf entier aplati à ces deux extrémités. Les zestes de fruità essence, l’eau de fleur d’oranger, l’eau de rose (dénommé alors : œufs d’amour), le marasquin, le rhum, la vanille, les fraise, ,les framboises, du citron vert, les abricots, l’ananas, les pistaches, les amandes, du safran (dénommés alors œufs d’or),  les avelines, tout cela sert à parfumer et à diversifier les meringues  . Les grosses meringues forment de fortes pièces qui de tout temps on été regardées comme très distinguées. Quand on sert à la fois une certaine quantité de petites meringues, on les dresse en buisson».. On ne peut s’empêcher de voir là l’origine des macarons lisses si souvent évoqués sur ce forum et qui ont fait la réputation de la pâtisserie Ladurée.

Notons que les recettes à base de blanc d’œuf battu étaient bien connue à l’époque de François Vatel, le très fier maître d’hôtel du prince de Condé, encore un suisse d'origine. C’est lui qui, en 1671, se perça de son épée en voyant que la marée prévue n’arrivait pas, lors d’un dîner offert par son maître à Louis XIV. Le gâteau Vatel est encore connu de nos jours.
Vatel et son maître le prince de Condé léguèrent également des noms de recette comme le riz condé et la crème Chantilly,  lieu de résidence du dit prince de Condé.
La vogue du vacherin à la crème, autre gâteau à base de blancs d’œufs battus remonterait à l’époque de la reine Marie-Antoinette ( moitié du 18ème siècle). Un demi-siècle auparavant, on avait l’habitude de garnir les vacherins de petits chalets suisses sensés en rappeler l’origine.
La réputation des suisses lié à la pâtisserie n'est plus à faire. Des familles engandinoises ( région de Saint Morits en Suisse, un peu plus loin que Meiringen) seront génératrices de confiseurs installés dans les grandes villes d’Europe et contribuèrent au développement de la pâtisserie-confiserie européenne. C’est ainsi que l’on retrouve vers 1700, deux cents trois commerces en leur possession dans la république de Venise, c’en était trop, les vénitiens obligèrent les suisses à fermer boutique le 13 décembre 1756. Ils se répandirent alors dans toute l’Europe et au 19ème siècle on trouvait encore les Franconi à Odessa ( le capitaine australien White en parle dans ses souvenirs), Josty et Pedotti à Berlin, Schucan à Münster(un livre Café Schucan une légende a été publié en Allemagne), Calfisch à Naples et à Palerme, Kleingutti à Gènes (le café Fratelli-Klaingutti existe toujours), Bonorand à Leipzig (disparue en 1927 pour l’agrandissement du zoo), Semandi à Kiev, Lardelli à Varsovie, etc… voir Manuel illustré suisse de la Confiserie-Pâtisserie, 10ème édit.1976, p. 25

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Rédaction : © 2006 Equipe BoulangerieNet
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Bon pain
Marc
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