1.- La fécondation spécifique du blé
Il faut savoir que le blé est autogame et homozygote.
Ce qui signifie dans un français plus abordable, que le froment s’auto-féconde.
Les étamines d’une fleur féconde presque toujours le pistil de la même fleur, puisque cela se passe à l’intérieur de la balle (l’enveloppe de la graine).
Cela, c’est le caractère autogame. La tendance à devenir homozygote, c’est qu’en étant autogame, on reproduit le même caractère, (comme des vrais jumeaux) dans sa descendance.
Sauf dans 5 à 10% des cas, ou deux blés de variétés différentes se côtoient, l'un peut donner du pollen à l’extérieur ( +/- 30’) tandis que l’autre blé devra être réceptif au même moment.

C’est pour cette raison que le blé n’a pas la même problématique que les semences potagères, qui, sur le marché sont pratiquement toutes hybride F1.
C'est-à-dire que lorsqu’on re-sèment les graines récoltées issues d’un croisement, elles n’ont pas la possibilité de redonner le même type de plante, puisque leur caractère n’est pas stabilisé par une dizaine d’années de sélection attentive, et que l'obtenteur trouve son intérêt a miser sur la stérilité mâle cytoplasmique (CMS).
Le blé hybride F1 existe, mais ne réalise actuellement que 10 % du marché français vu son coût de production et de vente.
2.- A partir du blé sauvage
C’est ces 5 à 10 % d’échanges pollen possible qui ont fait évoluer le blé, mais au cours de dix millénaires de domestication du blé par le monde paysan.
C’est avec la simple sélection massale -de choisir les plus beau épi comme semence- qu’il fera évoluer le blé sauvage vers blé apprivoisé.
Il gardera
• le grain dont les épillets se maintiennent sur le rachis,
• les blés qui se décortiquent de leurs balles facilement,
• les blés qui ont le plus grand nombre d’épillets sur l’épi,
• Les blés dont les épillets contiennent beaucoup de grains
• Les épis qui tallent bien (procure plusieurs touffes ou tiges pour un seul grain)
• les épis dont les grains sont gros et qui contiennent ainsi plus d’amande farineuse,
• les épis dont les tiges résistent le mieux à la verse

3.- Les critères généalogiques
Viendront naturellement également, mais encore plus rarement que les croisements dans ces 10 millénaires de domestication du blé, des polyploïdisations, c'est-à-dire non pas un croisement de génome (paires de chromosomes mélangées- les yeux de la mère/les cheveux du père), mais une duplication de génome, suivi d'une triplication : trois paires de chromosomes qui composeront le froment et le grand épeautre.
Ces évolutions pouvant être considérée comme accidentelles vu la rareté du processus dans la nature -moins sur graminées-, n’en donneront pas moins des blés vite sélectionnés par le bon sens paysan comme étant plus valables agronomiquement et mis de côté pour ensemencer les prochaines récoltes.
Le critère généalogique pour différencier les blés génétiquement plus anciens, des blés génétiquement plus "nouveaux" -des millénaires, quand même- est présenté par ce tableau ci-dessous.
On y remarque en haut les blés Urartu et l’engrain (= petit épeautre de Provence) qui ne possèdent qu’une paire de 7 chromosomes.
Ce sont des diploïdes.
L’amidonnier qui suit en continuant la généalogique a connu une multiplication de ploïdies avec en plus des gènes d’Aegilops.
Au niveau génétique, il a 2 paires de 7 chromosomes.
Ce sont des tétraploïdes.
C’est un second apport de ploïdie, venant à nouveau d’une graminée nommée Aegilops, qui fera que le blé tendre et le grand épeautre auront 3 paires de 7 chromosomes.
Ce sont des hexaploïdes.

4.- Les critères dus à l’évolution de la sélection
En France, c’est à Louis de Vimorin (1816-1860), que l’on attribue la création ou tout au moins la publication de la méthode de la sélection généalogique.
Cette méthode ou le semencier intervient, choisi le croisement et ainsi oriente plus les options de la sélection.

La première année, la progéniture donne un petit effet d’hétérosis, où une plus-value génétique s’exprime.
C’est le fameux hybride F1, où avec l’apport d’une consanguinité voulue par les obtenteurs, la reproduction dégénère.
Dans la sélection généalogique, d’année en année, le sélectionneur observe les meilleurs résultats en fonction des objectifs recherchés et les fixera dans les lignées intéressantes.
Il faudra minimum 10 années pour stabiliser les résultats du croisement.
Puis encore 2 années d’examens par l’autorité compétente donnant l’agréation de l’obtention.

5.- Les critères dus à l’évolution de la culture intensive
Après viendront de la part des semenciers -souvent rachetés par les firmes du secteur chimique dès les années 1980- une volonté manifeste de sécuriser leur marché par la vente de graines hybrides F1, puis par la modification génétique tentant à appliquer une Technologie Protection System (TPS) vite surnommée Terminator par le public.
Depuis 1961, un accord entre pays européens producteurs de blé a établi une COV (Convention d’Obtention Végétale) qui autorisait encore de réensemencer les grains de sa propre récolte.
Cette convention a évolué en 1991, 2001 et 2011 et se veut l’alternative européenne au brevet américain dans les discussions du TAFTA.
L’entrée de l’agriculture dans le mode de production industrielle va formater les semences et le blé qui doivent s’aligner sur les valeurs agronomiques et technologiques de l’industrie.
On remarque dans ce tableau, l’impressionnant décollage du rendement moyen à l’hectare du blé tendre après 1945 où l’on passe de 2 tonnes (ou 20 quintaux) l’hectare à 7 tonnes en 1995.
Ce qui est principalement du -à 66%- à l'apport de fertilisants azotés en grande quantité et aux produits de protection de récolte (=pesticides), ainsi qu'à la mécanisation du travail, alors que l'on doit à l'évolution de semences de blé à peu près 33% de ce progrès de rentabilité agricole.

Autre approche qui différencie les blés modernes des blés anciens, la recherche de haut poids moléculaires pour les protéines du blé afin de les rendre plus "machinables".
Autrefois le classement des protéines du blé s'établissait sur la solubilité, maintenant il prend en compte le poids moléculaire des protéines.
On a plus les mêmes glutens.

6.- Les pistes recherchées par le monde paysan
La piste d’une méthode de sélection paysanne se préoccupe de préserver la culture des anciennes populations locales qu’en termes de mini-parcelles de collection conservatoire.
Elle va compléter la conservation ex-situ en chambre froide avec une régénération in situ.
Ceci afin d’observer dans cette «bibliothèque» de terrain, le potentiel comportemental du blé se cultivant avec moins d’intrant.
La volonté de cultiver des plus hautes tiges qu’actuellement et des variétés locales non fixées (des populations) conduira à rechercher une résistance à la verse. Dans un premier temps, on va observer puis va jusqu’à opérer des croisements entre elles.
À l’image du méteil, qui signifie mélange, la méthode de sélection paysanne va même jusqu’à opérer des mélanges de croissements de populations (CCP en anglais puisque la méthode à débuter en Angleterre) qui une fois en place opéreront une dynamique naturelle d’adaptation au climat et au sol bien plus forte qu’une variété moderne trop dépendante aux intrants et volontairement homogène.
Ce travail de mélange de populations sera suivi en réseau de manière participative (entre chercheurs et agriculteurs) sur le terrain.
À l’époque des risques dus aux changements climatiques, des demandes d’agriculture à moindre intrants, des menaces sur la biodiversité, cette méthode de sélection paysanne est une réponse à ces questions.

7.- De « nouveaux » anciens blés, la piste avec les experts-scientifiques ou quand les blouses blanches touchent à l'ADN
Depuis les critiques sur la production de l’agro-alimentaire, une recherche de retour à d’anciens blés est devenue porteuse commercialement.
Des blés ou parfois rien que des gènes venant d’anciennes céréales et graminées sont apparues sur le marché.
Il est notamment normal que l'on trouvera des gènes de résistances aux maladies plus chez le sanglier que chez les cochons élevés en batterie.
Il en sera de même pour les blés, ou la recherche de gènes résistants ira faire sa recherche dans les blés généalogiquement anciens, voire même sauvages.
On ira les croiser par des méthodes dites de nouvelles biotechnologies par les obtenteurs et OGM cachés par ses détracteurs ( mutation génétique, fusion de protoplastes nécessitant l'emploi de la colchicine, nucléases à doigt de zinc, méthode CRISPR/Cas, etc…) .
Suit dans la pratique le rétro-croissement permettant d’identifier les gènes et sélectionner les blés -un peu porte greffe- pour apporter à une création de blé un gène dit d’intérêt. Il s'agit de refaire les croisements pour arriver au bout parfois d'une dizaine ou quinzaine de fois, n'avoir plus que le gène d'intérêt dans la nouvelle variété à créer.
C'est ainsi que se créeront et évolueront la variété Renan, le kernza, le tritordeum.

Une information a diffuser > BoulangerieNet