Les meilleurs pains au XVIIIème siècle (4)

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Marc
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janv. 2015
lundi
19
17:38

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Nous avons déjà pu voir les procédés des boulangers Le Noble de Poissy, Bouillard à Versailles, Cour de Reine, le boulanger Martin à l'armée, voici le pain du boulanger de Nangis, Monsieur Marin qui fait le meilleur de sa région (Seine et Marne).

Ce pain était composé de gruau, mais pas gruau avec le sens que nous lui connaissons aujourd'hui.
C'est plutôt dans le sens premier et étymologique du terme; c'est à dire "grossièrement moulu".

Nous sommes encore au temps où la mouture sur meules est la seule présente.
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De plus, on sort à peine du devoir d'aller moudre au moulin banal et comme l'exprime A.A.Parmentier; "Au moulin banal, on y moud toujours mal."
Antoine A.Parmentier (comme beaucoup de réformateurs à l'époque) mène campagne pour une meilleure efficacité des moulins qui ne sortait que 50 % de farine hors du grain, c'est peu par rapport au 75 % d'aujourd'hui.
Attention farine s'entend farine blanche ou fleur à l'époque, le 50 % restant n'est plus farine, ce sont "les sons gras".
Il faut dire qu'une ordonnance de novembre 1546 interdisait de remoudre les «sons gras».
Les «sons gras», c’était donc, les plus grosses particules issues du grain où sont assez fortement liés «les gruaux» et le son (enveloppe du grain).
Ces «sons gras» sont considérés dans des statuts de boulangers de 1558, comme «indigne d’entrer au corps humain» et il était interdit d’en faire du pain sous peine d’amende.
Bien sur, il n’était pas interdit de faire du pain avec l’intégralité du grain (100%), farine fleur avec les «sons gras» et aboutir au pain dit des pauvres dit aussi pain bis ou pain de brode ou encore de munition.
Dans l’interdiction, il n’est question que de servir les "sons gras" résiduels en tant que farine pour en faire du pain.
Quoiqu'il en soit, on perdait ainsi les gruaux, c'est à dire les meilleures parties de l'amande farineuse du grain de blé, l'alimentation humaine n'en profitait pas de cette partie où se localise le germe et la couche d'aleurone.
Bien sur, on ne dénommait pas encore couche d'aleurone ou assise protéique la couche périphérique de l'amande farineuse, mais on savait "que ces gruaux sont au pain, ce que la crème est au lait, que l'un et l'autre perdent infiniment de leurs qualités quand ces produits en sont séparés".

Cependant décrit Marcel Arpin, dès le XVIème siècle, bravant l'interdiction, quelques boulangers se procuraient des sons gras qu'ils repassaient parfois sous les meules afin "d'obtenir une très bonne farine qui leur servait à améliorer la farine ordinaire avec laquelle ils faisaient du pain blanc."
P.S. Malisset, qui a été meunier aux environs de Meaux, raconte qu'un "boulanger de Nangis, nommé Marin, avait la réputation de faire le meilleur pain de sa région, et cela sans acheter de blé, ni de farine", disait-il.
"Il se servait uniquement de sons gras qu'il blutait, sassait, faisait moudre les gruaux qu'il obtenait ainsi, et la farine qu'il en retirait lui servait a faire son pain qui remportait tant de succès dans son pays".

Voici l'explication schématisée de cette pratique où l'on remarque que le blutoir en forme de tambour laisse passer entre ces mailles toujours plus écartées les fines particules de farine. Dans le second blutoir on repasse après une remoulage des sons gras et l'on sépare les gruaux les plus blancs des remoulures plus pigmentées de son.
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Les diverses mailles laissant passer la farine et retenant le restant.

Pas de farine, mais une extraction de ce qu'il en demeurait dans les sons gras qui rappelons-le, faisait 50 % du résultat de la mouture à la grosse sur une seule passage.

Le plus souvent, comme pour le fameux pain de Gonesse, on laissait le farine blanche et les sons gras un temps reposé ensemble et le son se détachait mieux des gruaux.
C'est une pratique fort usitée dans le Sud de la France au point que on appelait cela la mouture méridionale.
Ci dessous, l'on voit des sasseurs et des sas, Le sassage tamise également mais joue aussi sur la densité et emploi la ventilation pour séparer.
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Une piqûre de rappel historique du blutage grâce à une planche du livre de Malouin, permet peut-être de mieux reconstituer ce pain de gruau, produit plus issu d'un choix de meunerie que de boulangerie.

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Bon pain
Marc
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