Le parcours historique de la dureté du blé

L'actualité autour de la boulangerie pâtisserie.
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Marc
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juil. 2006
mercredi
19
15:56

Né à Cadix en Espagne et ayant plus que probablement connaissance de la fameuse agriculture arabo-andalouse fort riche pour cette époque, Columelleagronome de la première heure et du premier siècle de notre ère est encore cité en 1600 dans l’ouvrage d’ Olivier de Serres .
Pour l’agronome dit « romain », on classe les blés suivant leurs apparences et la période d’ensemencement. Il en existe quatre sortes avec barbes, deux «raz» (= sans barbe) et le blé dit «marsé», c’est à dire semé au mois de mars dit aujourd’hui blé de printemps. C’est du classement visuel.
Pas de différences entre le blé dur (propre aujourd’hui à la semoulerie et aboutissant souvent à la confection des pâtes alimentaires) et le blé tendre (propre à la panification) appelé généralement de nos jours, froment.
Dans le siècle des lumières ( le XVIIIème sc.), Paul J. Malouin qui fait autorité en publiant un des premiers ouvrages sur la profession en 1767 et en participant par cette référence à l’encyclopédie de Diderot & d’Alembert donne un avis en raccourci sur la question dans le vocabulaire du boulanger publié dans l'encyclopédie. «De tous les grains, les blés sont les plus propre à faire du pain et de tous les blés, le froment le fait meilleur».
En 1784, Alexandre Henri Tessier est dans les premiers à faire une distinction entre le blé dur (dits parfois glacé ou aujourd’hui vitreux) et le blé tendre. Après bons nombres d’expériences, il conclut que les blés tendres proviennent du Nord et le blé dur du Sud voire même d’Afrique.
Antoine A .Parmentier en 1778 parlant du choix des variétés de blés pour faire le pain, parle du blé de Barbarie ( nom de l’époque pour l’Afrique du Nord touchant la Méditerranée excepté l’Egypte) « il est si compacte et si sec qu’il se brise avec une peine infinie sous la dent ». Il ne doit pas faire partie des blés dit de première qualité, puisque Parmentier faisant référence à la pratique des commerçants du marché du blé dit que celui-ci doit «  se casser nettement sous la dent ».
Là on passe à un classement moins visuel et plus caractéristiques.
C’est à cette époque que l’on commence à classifier et que l’ouvrage du suédois Linnéen 1753 défini et classe chaque plante suivant une appellation de deux noms latins.
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Cet ouvrage de référence n’est pas sans faille, puisque Linné confondant probablement la Galice espagnole et la Galicie polonaise (qui porte le même nom en latin) appellera un blé dur d’Espagne, le triticum polonicum.
Lors d’une des premières descriptions scientifique un peu complète du blé par Péligot en 1849, (on peut télécharger ce livre et d’autres en rapport avec le pain ; le manuel Roret de la Boulangerie, Boutroux et Parmentier, sur le site de la bibliothèque nationale de France). On remarque parmi tous les échantillons reçu par l’auteur de la part de Monsieur Darblay (un membre correspondant de l’Académie), deux blés durs; le blé dit d’Espagne et le blé Tangarock ou Taganrock. Ils sont dits « affluent sur le marché de Paris où comme étant très commun et très abondant à Paris ». C’est à une époque où l’on ne parle pas encore de la baguette comme le pain le plus consommé.
Henri de Vilmorin qui fait partie d’une famille de grainetiers connue dans le métier depuis le XVIIIème siècle essaye de clarifier les choses lors de la publication de son livre «Les meilleurs blés»en 1880 . Il voudrait classer suivant 5 familles ; le blé tendre, le blé poulard, le blé dur, l’épeautre et l’engrain.
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Mais ce n’est pas encore fini, l’évolution scientifique fera des classements toujours plus pointus et là plus question du visuel ou de l’appréciation du côté cassant du grain, on rentre dans des critères invisibles à l’œil nu et au « sous la dent ».
Entre les deux guerres c’est grâce à l’évolution des  connaissances génétiques que l’on juge et classifie. La découverte de l’importance des chromosomes dans l’hérédité s’opère dans les années 1920 et c’est l’américain Thomas H.Morgan qui donna les apports décisifs, au point d’obtenir le prix Nobel de physiologie et de Médecine en 1933 pour ces travaux. Avant l’apport de ce nouvel éclairage, Léon Boutroux, écrit en 1897, "que les blés durs et blés tendres ne présentent pas de différence au niveau de leurs compostions chimiques et ce n’est que des caractères extérieurs qui les distinguent". "Même au niveau de la richesse en azote (aujourd’hui, lisez protéine et gluten ici) , ils n’offrent pas de différence notable", écrit-il encore. Mais  l’approche  de la  qualité des protéines (dont le gluten) n’est pas ce qu’elle est aujourd’hui.  En 1925, Louis Ammann, cite trois variétés, les blés tendres, mi-durs et durs. "Ces trois variétés devront être traitées séparément, on opère des mélanges selon les exigences de la clientèle." Les blés durs sont réservés aux semoules et pâtes. Le boulanger-écrivain Emile Dufour écrit un peu plus tard (en 1937), "que les divers  éléments azotés (lisez encore gluten) "ont des réactions inégales que l’on n’est pas arrivé à définir exactement" à cette époque. On retrouve assez souvent cette expression chez les éminences de technologie boulangère ayant connus  cette époque charnière de différenciation scientifique entre blé dur et blé tendre ; « La quantité ne suffit pas, il faut aussi la qualité ». Cette précision de qualité des protéines du blé sera apportée par la suite au gré des exigences technologiques spécifiques de la panification et de la pastification.

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Rédaction : © 2006 Equipe BoulangerieNet
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Bon pain
Marc
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