Les «nouvelles» farines servant d’apport protéique et les farines d’insectes

L'actualité autour de la boulangerie pâtisserie.
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Marc
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Dans l’alimentaire, on vit dans une ère de «transition protéique», l’innovation et l’évolution font apparaître différentes farines d’insectes ou issus de plantes que l’on imaginait pas retrouvées en farine, il y a quelques décades d’ici.
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Les farines sont parfois issus de résidus de «craquage». C'est-à-dire qu’il s’agit souvent d’une valorisation des résidus du procédé dit cracking (craquage en français) ou séparation puis valorisation des composants d’un produit agricole. L’exemple le plus connu de cracking dans notre secteur étant la valorisation de protéines ou gluten par les fabricants de bio-éthanol obtenant celui-ci à partir du blé.
Ainsi d’autres farines seront mises parfois sur le devant de la scène par des efforts médiatiques d’un lobby de secteur (c’est leur travail), ou de recherches de marché de niche par des coopératives agricoles pour diversifier leurs offres principalement sur des sous-produits à valoriser.
On se verra notamment proposé par une filiale de Procter & Gamble , de la farine de ce nouveau coton «alimentaire», dépourvu du pigment toxique, le gossypol, elle sera une farine championne en teneur de protéines. Le coton qui va procurer la fibre végétale pour produire le textile est la houppe soyeuse qui entoure la graine contenant l’amande dont on extrait la farine. Du broyat de cette dernière, on obtient un contenu ayant 30% de protéines. Si on l’extrait du tourteau c’est 40% de protéines et sur la farine délipidée, on obtient 50% de protéines. Il faut souvent délipidé pour la conservation et veiller à la qualité microbiologique. Cette farine de coton «alimentaire» dite glandless arrivera sur le marché européen dans les années 1990. Au départ, cette farine de coton sans gossypol a été cultivée au Nord Cameroun, Mali et Tchad, pour améliorer en mélange, la teneur protéique des farines de sorgho ou de mil .

La farine de chanvre industriel résulte comme pour le soja et le coton du broyage du résidu de la plante (le tourteau) lorsque l’on en a extrait l’huile. Si on essaye de bien faire une différence entre le chanvre et le cannabis, ce n’est pas facile puisque ce dernier terme est simplement le nom latin du chanvre (cannabis sativa). Tous les variétés de chanvre contiennent du T.H.C (tétrahydrocannabinol), une substance qui peut conduire aux surnoms de marijuana, haschisch, shit, joint. Depuis 2023, seules les variétés contenant plus de 0,5 % de T.H.C sur matières sèches sont considérées comme psychotropes et addictives. Le C.B.D (cannabidiol) ayant parfois une étiquette plus médicale doit aussi contenir moins de 0,5 % de T.H.C sur matière sèches. Les autres chanvres dépassant les 0,5 % de T.H.C seront le plus souvent dénommée arbitrairement cannabis et ont souvent un statut illégal à la vente.
C’est d’Australie que s’importera d’abord la farine de lupin, puis une coopérative agricole d’Ile et Vilaine et un groupe de producteurs néerlandais proposeront la farine de lupin sur le marché . Le lupin est une légumineuse riche en protéines (près de 40%) et au pouvoir émulsifiant capable de remplacer le jaune d’œuf et la lécithine de soja et apportant même une teinte jaune. Ces 10% de matières grasses intéressantes lui impose des précautions à prendre lors de sa conservation.
Important et à signaler, il faut penser de la mentionner dans l’étiquetage, car le lupin fait partie depuis 2006, des allergènes (Allergènes à Déclarations Obligatoires -ADO) à signaler en alimentation humaine.
Issus de la famille des brassicaccées, il existe les graines de moutarde et des graines de colza (étymologiquement : graine de chou). Ces dernières sont connues depuis la fin des années 1960 au Canada ou elles se dénomment souvent canola (de Canada Oil Low Acid) puisqu’il est là, une culture de printemps qui se différenciait des nombreux autres graines de colza en contenant moins d’acide érucique dont l’innocuité doit encore être contrôlée.

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Viendra la farine de criquet. Elle aussi est super-championne en teneur de protéines (78 %), qui déjà en ajout de 10 % dans le mélange avec le froment, donne un aspect brun foncé à la mie. C’est en 2017 qu’est venu cette proposition sur le marché . Culturellement acceptée en Asie, elle a parfois du mal à convaincre les mentalités européennes même si pour séduire les palais les consommateurs on lui attribue des vertus de faible impact environnemental et d’avoir un délicieux goût de crevette .
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Dans la C.E., sa validation en janvier 2023 à raison de 2 % dans le pain «multi-céréales» accompagne également l’approbation d’introduction de larves de ténébrion meunier (vers de farine) dans la farine . En Allemagne un panneau de signalisation émis par une association des boulangers voulait afficher clairement que la farine est bien exempte d’insectes en juin 2024 . Deux start-up françaises d’usines d’insectes ont malheureusement déposé le bilan la même année (Ynsect, avec des vers de farine et Agronutris avec des mouches soldat noire - Hermetia illucens, procurant de la nourriture pour certains élevages). Preuve aussi qu’il ne suffit pas de croire à une initiative se voulant résolument écologique et c’est également une confirmation que l’aspect culturel est fort lié à l’alimentaire .

SOURCES:
S.BÉROT et B.GODON, BEROT S. et Bernard GODON, Le craquage des grains, dans Biotransformation des produits céréaliers, éd. Lavoisier 1991, p.60 à 76.
Hans-Ulrich GRIMM, Arômes dans notre assiette, la grande manipulation, édition Terre Vivante, 2004, p.167.
A. CORNU, F. DELPEUCH et J.-C. FAVIER, Utilisation en alimentation humaine de la graine de coton sans gossypol et de ses dérivés, publié dans l’Annuaire de la nutrition et de l’alimentaire, n°31, 1977,, p.349 à 364.
Alain BONJEAN, Communication sur le colza du 13 juin 2024 dans « Les chroniques du végétal »
Encyclopédie citoyenne Wikipédia au mot Colza.
Revue Industries des céréales, n° 205 de décembre 2017.
Rachel PELLS, Dans la plus grande «fermilière» du monde, publié dans la revue Nature, transcrit dans le Courrier international, hors série «A table ! Qu’est ce qu’on mange demain ?» de juin-juillet 2023, p.24 à 27.
Gérard BROCHOIRE, Insectes dans nos assiettes in Les brèves de Gérard Brochoire, publié dans la revue Alvéoles2.0, janvier 2025, p.31-32.
Kai HARTWIG, Un panneau de boulangerie est apparu : « Ne faites pas cuire d’insectes »la guilde des boulangers explique le contexte, publié dans le Tageszeitung du 28-06-2024.
Laurence GIRARD, L’élevage d’insectes a le bourdon, dans le quotidien Le Monde du 01-02-2025.




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Bon pain
Marc
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