Nous expliquerons mieux au chapitre pétrissage, qu’il est bien certain que la « prise de force de la pâte » (l’effet du gluten), se répartit entre deux opérations de la panification ; le pétrissage et la fermentation, deux opérations oxydantes.
En préliminaire à ces deux étapes, il arrive souvent sur farine blutée, qu’une oxydation de la farine aie lieu 65 . Au pétrin, nous boulangers, on va apporter de l’eau, du mouvement et par celui-ci de l’air.
Les protéines solubles dans l’eau seront vites dissoutes et dispersées. Les protéines insolubles , elles vont avoir besoin de se dérouler, de s’étirer.



FIGURE 2 : Les chaînes de protéines sont parfois en pelote compacte, elles se dérouleront dans le milieu pâteux, plus aqueux.

Au premier moment du mélange (la frase), on devra éviter de « casser le nerf » ou « brûler » la pâte, c.à.d. ; faire un mélange trop ferme, cassant, déchirant la cohésion pâteuse.
Il faudra apporter une aisance pour que comme « les vagues qui balayent les algues au littoral 66 », les protéines recroquevillées en petites pelotes se déroulent en filaments presque parallèles par les mouvements du bras pétrisseur.


FIGURE 3 : Les chaînes de protéines se lissent et s?46;alignent par les mouvements du pétrissage

Un trop long pétrissage va « fluidifier » le gluten. C’est l’observation que l’on peut remarquer lorsqu’accidentellement on surpétrit 67 .

Les protéines sont des chaînes d’acides aminés promptes à établir des liaisons entre elles suivant les acides aminés qui les composent.
Ceux qui aiment l’eau (hydrophyles 68 ), ceux qui repoussent l’eau (hydrophobes 69 ) et qui se rapprochent entre eux, ou d’autres types de liaisons 70 .

Les plus fortes liaisons et aussi les mieux repérées par les études, sont celles qui s’établissent (après oxydation) 71 entre deux atomes de souffre.

Avec les apports du mouvement, tout est en place pour se lier et se délier. La description de la vie du gluten au pétrissage peut se résumer par la figure 3 et ne sera pas plus longue, puisque je vous convie à un pétrissage court, mais bien supplémenter par des temps de pause et de rabat ou la fermentation va jouer son rôle 72 .



65 Le vieillissement de la farine (d’un mois de « plancher ») est la plus douce oxydation de la farine. Il existait chez les anglo-saxons des traitements au gaz ce qui, admettons-le, est moins doux. Cette oxydation élimine certaines molécules appellées « groupes thiols », composés d’atomes de souffre et d’hydrogène et permet par la suite aux pontages entre deux atomes de souffre de mieux reformer le « ressort » de la pâte. Voilà l’utilité technologique du8? vieillissement de la farine. Voir H.THYS, p.168. Toutefois, à contrario des voix s’élèvent surtout dans le monde de la « bio » et diététique allemande pour l’utilisation de farines le plus fraîchement moulu possible, (voir chap. mouture).

66 Hervé THYS, p.166.

67 L’eau cède des ions H aux atomes de souffre et ne permet plus la reconstruction de ces « ressorts » décrits plus loin sous la dénomination de « ponts dissulfurés ». Voir H.THYS, p. 169.

68 Ce type de liaison va réagir et être utile dès l’ajout d’eau dans la farine, favorisant la viscosité.

69 Ce type de liaison, va entre autres, lier les protéines entre elles ainsi qu’aux glucides (pentosanes, notamment) et lipides. Yves POPINEAU, p. 129 écrit « l’hydrolyse des protéines permet d’obtenir des peptides (voir note fig.1 et note 5 ) où des protéines plus courtes qui peuvent être différentes après les coupures, car celles-ci sont souvent accompagnées de réarrangements (en phase aqueuse, à cause des propriétés hydrophobes) qui ont de nouvelles propriétés fonctionnelles, nutritionnelles et biologiques ». Plus loin, p. 132, il écrit « Les prolamines riches en souffre ( beaucoup de gliadines & les gluténines à faible poids moléculaire) ont une forte teneur en acide aminés hydrophobes. »

70 P.ROUSSEL & H.CHIRON, p.79, donnent un encadré et parlent également des liaisons ioniques (c’est encore plus de la physique ici) entre les ions chargés négativement et positivement.

71 C’est l’élimination d’un atome d’hydrogène qui permet à deux atomes de souffre de se souder. C’est pour cela que l’on parle aussi de liaisons d’oxydation. Cette oxydation peut se faire au pétrissage, à la fermentation ou par l’ajout d’agents ou auxiliaires technologiques à pouvoir oxydo-réducteur (par ex. : l’acide ascorbique). Ces derniers « artifices » n’étant pas notre tasse de thé.

72 Roland GUINET, p.118. « Par l’augmentation de la pression au sein de la pâte due à la rétention du gaz carbonique et la distension du réseau glutineux qui s’ensuit, on peut considérer que la transformation en masse apporte une énergie complémentaire de celle qui est fournie au pétrissage ». « De ce fait, il existe nécessairement une relation entre ces deux sources d’énergie dont la somme doit être estimée en fonction des résistances de la pâte. »