Autant une fermentation va apporter une « prise de force », autant elle peut la détruire, si on va trop loin en durée (ou maturation) de la pâte. Le gluten dans son élasticité va se détériorer assez vite 80 , surtout si lon active la fermentation, soit à cause de trop forte doses densemencement de ferment, soit avec des températures trop chaudes 81 .
En fermentation levurée, du fait de lensemencement concentré en microorganismes (voir chapitre ; Fermentation ) que lon ajoute à la pâte, on peut très vite accélérer la maturation de celle-ci qui sembriquent dans un processus ininterrompu de dégradation des éléments de la pâte.
Si la dégradation au départ est utile pour la prise de force, elle devient destructrice en se poursuivant trop loin. Que se passe-t-il ? Il est simple de comprendre que la levée de la pâte qui est une oxydation va « étirer » le ressort jusquà ce quil casse.
On peut aussi lexpliquer par un exemple vécu dans la technique para-boulangère. Dès le début des années 1990, la proposition commerciale dutilisation de levures désactivées 82 est là pour lutter contre lexcédent de force 83 , mais aussi pour pallier à la rapidité du travail (rétrécissement des espaces fermentation et suppression des temps de « détente » de la pâte).
Quest la levure désactivée si ce nest quune levure morte qui laisse passer à travers ces membranes des ions - GS (de la figure 5 ), appelé le glutathion.
Cette matière ira notamment se fixer sur les ions de souffre des molécules dacides aminés et cassera le « pont dissulfure » (voir : Figure 4).
FIGURE 5 : Le glutathion -GS- de la levure désactivée va insérer une atome H entre les 2 atomes de souffre et fait « sauter » le pont dissulfure.

Si la fermentation levurée du fait quelle est exogène (apporté par ajout exterieur) permet de mathématiser ses diagrammes, la fermentation spontanée dun levain naturel se soumet plus aux aléas de lenvironnement. Par la baisse de lacidité ou mieux dit scientifiquement du pH (= pouvoir dHydrogène), lactivité de lenzyme dégradant les protéines (laspartyl-protéase) se trouvant dans la farine, sera plus forte 84 .
En plus les bactéries lactiques ( microorganismes du levain) produisent leurs propres protéases 85 .
Ces deux actions de dégradation vont faire perdre au gluten son élasticité allant jusquà la liquéfaction 86 .
Et cest vrai que le praticien qui va trop loin en fermentation levain voit son pâton perdre toute sa plasticité. Ainsi les protéines du gluten se transformeront en acides aminés du gluten, soit perdre leur fonction technique mais gardé et même bonifier leur fonction nutritive.
Mais comme nous le disions cela nest pas forcément intéressant pour le boulanger dans la panification.
80 Y.POPINEAU, p. 139 écrit « Les gros peptides résistent à lhydrolyse ».p.142 « La région la plus sensible aux coupures est la jonction des segments répétitifs », « lorsque les gliadines sont dénaturée (réduction des ponts dissulfures) , lhydrolyse est plus rapide. »
81 Piet SLUIMER , p.28 écrit « Une augmentation de 1°C de la température de la pâte entraîne une augmentation de vitesse de développement de 10 à 15%. Souvent les boulangers ne tiennent pas suffisamment compte de cette différence. A 33°C, on constate une diminution significative de la qualité du pain due au fait que la pâte retient moins bien le gaz carbonique pendant la cuisson. ». Toujours plus technique et analyste reprenons Y.DACOSTA, p.18, qui écrit « la solubilité des protéines augmente avec la température »
82 Voir les articles de deux ingénieurs de Lessafre ; P. BONNARDEL et Arnaud DENIAU,.
83 P.BONNARDEL, p. 32 décrit « Lévolution des techniques de panification mécanisation poussée et apparition des techniques de cuisson différée » (exemple : le cru surgelé). Puis après il signale que « laccroissement de la prise de force nécessaire pour répondre à ces évolutions techniques à considérablement modifié la nature des pâtes. Mais lexcès de force peut devenir un défaut. » La critique sur lexcès de force concernait les pâtes pour baguettes, pizzas et le rétrécissement à lallongement et labaisse des pâtons.
84 Une enzyme est plus ou moins active suivant les température et le niveau dacidité du milieu ou elle vit. On définit ainsi des optimums dactivité pour chaque enzyme. Ici le pH 4 est loptimum dactivité de la protéase de la farine. Ce pH est aussi le pH du levain. Lenzyme protéase de la farine aurait une activité très limitée en absence de germination, dixit Y.POPINEAU, p. 145.
85 Bernard ONNO, p. 308 & 309. Ces auteurs signalent que le sel peut être inhibiteur des protéases, mais à raison de 3% /kg. farine, ce qui est rarement la dose dune pâte à pain qui est souvent autour de 2%.
86 Noublions pas que le vieux classement des protéines sétablissait suivant les solubilités et que les protéines du gluten sont solubles dans des solutions acides et basiques.